Hamid a 27 ans et travaille comme livreur Deliveroo sur Marseille depuis deux ans et demi. Depuis le confinement, lui, a refusé de retourner travailler « pour ne pas prendre de risques. Beaucoup de mes collègues ont continué de sortir et j’en connais au moins trois qui sont déjà contaminés ». En attendant, le coursier ne touche plus aucun revenu et se dit « vraiment sous le stress. Je dépense ce que j’ai déjà gagné mais bien sûr je ne vais pas pouvoir continuer comme ça, je vais tenir 20 jours maximum… Je réfléchis à comment je vais faire après ».
Alors que l’épidémie de Covid-19 impose le confinement à tous les travailleurs non indispensables à la gestion de la crise, les coursiers à vélo sont pris à la gorge, faute de solution de repli s’ils s'arrêtent de travailler. Collectifs et syndicats réclament à l’État d’imposer la fermeture des plateformes le temps de la crise sanitaire. Ce vendredi, la CGT appelait les livreurs à faire grève en restant chez eux et en postant sur les réseaux sociaux la photo de leur sac à la maison.
Devant l’urgence d’assurer aux travailleurs de quoi vivre et alors qu’aucun dispositif d’aide n’est prévu pour les coursiers sous statut d’autoentrepreneur, le syndicat réclame la mise en place d’« un revenu de remplacement à hauteur de 100 % de la rémunération habituelle pour les livreurs dans l’incapacité de travailler et le maintien de la rémunération pour ceux ayant travaillé mais dont l’activité a baissé consécutivement à la fermeture de certains restaurants et à l’instauration d’un couvre-feu dans certaines villes ».
Le « free-shift », ou comment Deliveroo renforce la précarité des livreurs
En réponse aux inquiétudes des livreurs, Deliveroo a poussé encore un peu plus loin dans le cynisme. Depuis ce vendredi, la plateforme leur impose un nouveau système de prises de commandes, pourtant dénoncé depuis longtemps par collectifs et syndicats : le « Free-Shift ». Il s’agit de mettre fin au système de « planning » pour les coursiers leur permettant de réserver des créneaux horaires de connexion (aussi appelé, par anglicisme, shift), d’avoir une zone de travail délimitée, la possibilité de connaître à peu près ses horaires d’une semaine sur l’autre… Loin d’être exemplaire, la méthode offrait l’avantage de limiter le nombre de livreurs sur tel ou tel créneau et donc de maintenir un nombre de commandes par coursier intéressant. « La plateforme peut recruter à tout va. Avec un surplus de coursiers, elles peuvent alors baisser le coût des livraisons », explique Arthur Hay, délégué CGT des coursiers à vélos. « Leur logique consiste à pouvoir nous contrôler comme des produits. Or, plus on a de produits en stock, moins ils coûtent cher. »
Le système est celui qu’a mis en place dès sa création la plateforme Uber Eats. « N’importe qui peut travailler n’importe quand, n’importe où. C’est ce fameux free-shift qui a permis la mise en place des comptes loués à des sans-papiers, des réfugiés, à des mineurs, pendant que Deliveroo regardait ailleurs », témoigne Jérôme Pimot, cofondateur de Clap (Collectif des livreurs autonomes parisiens). Une pratique que le coursier engagé résume ainsi : « Les shifts de Deliveroo c’était de la subordination : il fallait rentrer dans des cases, on était notés avec des statistiques permettant d’accéder à tel ou tel créneau. Pour prendre une image, le shift, c’était l’armée. Avec le free-Shift, c’est la jungle. »
Jolan Zaparty
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