La romancière franco-belge, auteure sulfureuse du Rempart des béguines, longtemps jurée du prix Goncourt, s’est éteinte ce week-end à 86 ans.

C’est toute une génération de femmes de lettres engagées, féministes, ayant occupé la scène littéraire dès les années 1960, qui s’éclipse : Françoise Mallet-Joris est morte, samedi, à 86 ans. Voilà quelques semaines, c’était Benoîte Groult…

Il faut se représenter le coup de tonnerre de la parution, en 1951, trois ans avant Bonjour tristesse de Françoise Sagan, du Rempart des béguines, premier livre de Françoise Lilar, 21 ans, native d’Anvers (Belgique), père ministre de la Justice, mère, avocate, essayiste. Cette histoire d’éducation sentimentale lesbienne, entre une adolescente et la maîtresse de son père, était sulfureuse pour la bonne société de l’époque. La toute jeune écrivaine fit donc avec fracas son entrée dans le monde des lettres, après avoir pris soin d’adopter un pseudonyme, elle qui allait découvrir la foi en écrivant.

Suivront une trentaine de romans écrits, disait-elle, « comme un cordonnier fait des chaussures », et qui seront encensés par le public, couronnés de prix. Tous, et c’est sans doute ce qui fait de cette grande fumeuse au regard bleu une romancière populaire, sont le reflet d’une époque. Son grand succès la Maison de papier (1970) explore ses relations avec ses quatre enfants. Mais elle sait aussi s’aventurer dans les milieux artistiques, dont elle fait la satire dans l’Empire céleste, roman sur le Montparnasse bohème d’après-guerre, récompensé du prix Femina dès 1958. En 2001, elle écrit l’un de ses plus beaux ouvrages, la Double Confidence, exploration de ses vie et œuvre confrontées à celles de Marceline Desborde-Valmore (1786-1859), fameuse épicurienne flamande qui l’inspirait, comme la musicienne Marie-Paule Belle, dont elle partagea la vie et pour laquelle elle écrivit la Parisienne : « Je ne suis pas nymphomane/On me blâme, on me blâme/Je ne suis pas travesti/Ça me nuit, ça me nuit »…

Elle fut brièvement jurée du prix Femina, plus longuement de l’Académie royale de Belgique et du Goncourt. Pierre Assouline, qui lui succéda à ce prix, dit qu’elle avait « une sensibilité qui a beaucoup compté pour influencer les choix des académiciens, les inciter à lire des livres vers lesquels ils ne seraient pas allés spontanément »…