Voici deux années que nous étions comme habitués si j'ose dire à ce que Maurice Failevic ne sorte plus, bloqué qu'il était chez lui par la maladie.

Certes il était épaulé par Micheline sa femme avec qui il avait une vraie relation de "moi à toi", par Juliette et Jeanne leurs deux filles et bien sûr par les médecins. Il tenait bon mais d'un seul coup dans la nuit du 26 au 27 décembre son coeur à lâché, ses maux accumulés lui ont mangé la vie ! Maintenant nous avons un trou au coeur.

Je connaissais Maurice depuis les années soixante où  je l'ai rencontré aux studios des Buttes Chaumont où il commençait à créer son oeuvre - image dès le début belle, tendre, liée à la vie sociale par une sensibilité retenue et une fine rigueur critique. Sa caméra-regard disait déjà bien plus que la part continuelle de l' ordinaire. Il avait un talent subtil mettant avec générosité le peuple dans la confidence. Il pratiquait un artisanat d'amoureux des choses et des êtres. C'était un homme qui saisissait l'histoire à tâtons et n'était jamais tranquille d'avance.

Quelques oeuvres où  la dignité de son regard, toujours dans le coup, jamais dans le vent, montrent qu'il était un conteur : "De la belle ouvrage" "Gouverneur de la Rosée" " 1788" et "Jusqu' au bout". Ajoutons ses documentaires où il fait merveille grâce à "sa cuisine personnelle" disait-il. Sur ses 45 créations comme scénariste, coscénariste, réalisateur, 7 furent distinguées (Prix de la critique, FIPA d'or, Prix SACD). Ses créations furent le plan d'un songe au service de l'émancipation. Prononçant ce mot je pense aussi à son engagement politique dès 1953 (il avait 20 ans) au Parti Communiste Français.

Il y fut un militant riche de "l'option d'autrui" adepte du pluralisme, artisan de la liberté de création.

Ancien élève de l'I.D.H.E.C (aujourd'hui la FEMIS) il y revint comme directeur du département réalisation de 1986 à 1995.

J'ai eu avec Maurice Failevic une vraie amitié partagée et j'aimais le retrouver chez lui avec sa femme. Ils s'aimaient c'est l'évidence et je crois avec Aragon que "dans l'amour chacun préfère à soi l'autre". C'était Maurice et Micheline. C'est un  cadeau de pensée qu'il nous a fait,  qu'ils nous ont fait . "Je t'ai retrouvé quand je t'ai rencontré" disait Pessoa.

Voilà ce que je souhaitais, je voulais dire par amitié de coeur et de politique. Maurice Failevic dans ses créations, comme au quotidien donnait envie d'aimer la vie et cela je - vous - nous ne l 'oublierons  jamais.