Il suffit de voir les familles indiennes se presser pour admirer le Taj Mahal pour comprendre que le monument, en plus d’être l’emblème du pays hors de ses frontières, suscite l’admiration de tout un peuple. Ce chef-d’œuvre, qui attire annuellement 8 millions de visiteurs, a néanmoins un problème : celui de ne pas être assez hindou. Certes, le mausolée du XVIIe siècle, construit à la demande de l’empereur moghol Shah Jahan, fou de douleur après la mort en couches de son épouse Mumtaz Mahal, est entouré de quatre minarets et porte sur sa façade quatorze sourates du Coran incrustées en pierres noires. Mais dans ce trésor, symbole de l’amour, les nationalistes indiens, actuellement au pouvoir, ne voient que la traduction architecturale de l’expansion musulmane en Inde. Le Taj Mahal ne peut, par conséquent, être considéré comme réellement indien. « Une tache » dans l’histoire indienne, a même osé, lundi, le député Sangeet Som, du Parti du peuple indien (BJP). Ainsi, le gouvernement de l’Uttar Pradesh a décidé d’effacer purement et simplement le Taj Mahal de sa brochure touristique afin de promouvoir un temple hindou du XIe siècle. Face au tollé, le ministre en charge des Affaires religieuses et de la Culture, Laxmi Narayan Chaudhary, ne s’est pas démonté : « Ceux qui ont placé le monument dans cette liste (des sept nouvelles merveilles du monde) devaient avoir les mêmes goûts que ceux qui l’ont construit. » Qu’importe par ailleurs que le Taj Mahal fasse vivre 400 000 personnes, selon l’association régionale des agents de voyages. Menacé par la pollution et les ravages du temps, le monument s’est également vu retirer la dotation prévue pour sa restauration. Mieux, le gouvernement prévoyait de couper 400 arbres à proximité de la célèbre sépulture afin de prolonger une voie de chemin de fer. Suite à un recours, les juges de la Cour suprême ont demandé à l’exécutif si son but était de définitivement « tuer le Taj Mahal ». À croire que, en Inde, seules les vaches méritent leur caractère sacré.