L’œuvre de Michaël Lévinas inspirée d’un conte persan déjà réduit par Jean-Claude carrière pour Peter Brook en 1979, résonne aujourd’hui des problèmes de fanatisme et de déplacements des peuples.

Hommage ou hasard. Le 6 mars dernier, La conférence des oiseaux de Michaël Lévinas était reprise en avant-première au centre culturel Olivier Messiaen de Champigny-sur-Marne, trente trois ans après sa création. « Messiaen nous poussait à trouver l'inouï, ce qui n'a jamais été entendu…" disait récemment le compositeur au sujet du grand musicien et ornithologue français qui fut aussi son maître. Cet inouï, le public parisien aura encore l’occasion de l’écouter ces prochaines heures au théâtre d l’Athénée.Conte alchimique, La conférence des oiseaux inspiré du chef d’œuvre éponyme du poète perse Farid Al-Din Attar, raconte l’histoire de la Huppe exhortant des milliers de piafs à aller à la recherche de leur roi, le Simorgh. Dans cette nouvelle version, mise en scène par Lilo Baur la scénographie est une épure. Seuls quelques oiseaux de papier posés sur des barres flexibles et sur les pupitres des musiciens rappellent la légion du peuple ailé. Mais voici que le narrateur, Hervé Pierre, un livre de lumière à la main, déambule de rangs en coulisse et de coulisse en scène tandis que des hommes-oiseaux apparaissent derrière lui. Le peuple est musique. Harpiste, contrebassiste, corniste, percussionnistes et bruiteurs de l’Ensemble 2le2m, piaillent, pépient, jacassent caquettent et sifflent avant de taire soudain leur instrument... le silence inquiétant d’un vent acoustique souffle sur scène. La Huppe, la soprano portugaise Raquel Camarinha surgit, fière et sévère au milieu de la plèbe. « Oiseaux négligents, il faut partir ». D’une magnifique voix cristalline, parfois hurlante et mauvaise, appuyée de temps à autre par des effets de réverbérations, elle se pose en maîtresse intraitable et charismatique convoquant de temps à autres un des oiseaux. Face à elle, l’excellent comédien Lucas Hérault, représente tour à tour le rossignol, le corbeau, le paon, la perruche, et prête son corps traversé de spasmes absurdes à l’ire de la huppe. Si l’ensemble de l’oeuvre est parfaitement maîtrisé et servi par des artistes de talent, avec notamment une direction musicale sobre de Pierre Rouiller, cette Conférence des oiseaux a néanmoins parfois du mal à décoller. Sécheresse volontaire du propos ou simpleme signe des temps ? Pour Michaël Lévinas, son oeuvre résonne aujourd’hui des soubresauts du monde contemporain : la migration d’un côté, le fanatisme de l’autre. « Les harangues de la Huppe métamorphosée par sa mission divine, et son exigence implacable du sacrifice, résonnent fortement pour nous aujourd’hui. »

La conférence des oiseaux, de Michaël Lévinas, théâtre de l'Athénée

Prochaines dates: Dimanche 8 avril, mardi 10 avril et mercredi 11 avril à 20h.

Stéphane Aubouard

Journaliste

http://www.humanite.fr/

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